Léa et Léo, ce ne sont pas des pseudonymes, ce ne sont pas non plus des jumeaux, ce sont deux jeunes nageurs de haut niveau inscrits au club de natation Les Antilopes. Ils ont pour une après-midi, troqué leurs maillots de champions contre des tee-shirts aux logos de l’AVH, des Antilopes et du Centre de secours d’Angoulême. Avec Jean-François qui pratique régulièrement la course et qui a déjà couru en binôme, ils étaient les trois seuls déficients visuels sur la ligne de départ.
Lors de ce challenge qui a lieu dans le cadre du forum Sport Santé Environnement, ils avaient pour objectif de sensibiliser organisateurs et spectateurs à leur handicap. Au dos de leurs tee-shirt figuraient les noms de leurs sponsors, magasin Stadium et Radio Attitude ; il était normal de courir sous les couleurs de tous ceux qui avaient permis la réalisation de leur projet.
Pour exemple, citons les sapeurs-pompiers de Lunesse, qui n’ont pas hésité un seul instant à venir constituer les trois binômes de l’équipe. Plus encore, ils ont manifesté un vif enthousiasme, et se sont même quelque peu disputé les places…
Léo et Léa n’ayant pas l’expérience de la course en duo, une préparation tant physique que psychologique s’imposait, avant de courir parmi plus de 400 participants et sous les yeux de toute une foule de spectateurs. Après s’être rencontrés, entraînés à la course en binôme, après avoir découvert le circuit de l’Espace Carrat, les principales conditions étaient réunies pour le jour J. Saluons toutefois l’engagement, l’énergie et l’application de ces deux jeunes sportifs qui se sont pleinement investis dans une épreuve pour eux inconnue.
Au fil des jours, chaque partenaire a compris qu’il était impératif de courir à vitesse égale, de front ou en léger décalage ; Léa a préféré être reliée à Julie, sa co-équipière, par un ruban dont chacune tenait une extrémité ; les déficients visuels de l’équipe devaient aussi être conscients qu’ils allaient courir dans un brouhaha qui, le jour venu, risquait de perturber leur concentration.
Sapeurs pompiers et déficients visuels ont appris à vivre ensemble sur une distance d’au moins 600 mètres : c’est la longueur minimum que doit parcourir chaque concurrent, soit un tour complet du circuit autour de l’espace Carat. Présent à la réunion des organisateurs, Jean-François a demandé que les participants marcheurs évoluent sur la droite du circuit ; lancé à vive allure, il est impossible pour un déficient visuel d’éviter de heurter la personne plus lente qui le précède.
« C’est parti », a soudain lancé le haut-parleur ! Placé au quatrième rang, Jean-François prenait alors le relai pour effectuer la première boucle. Contrairement aux autres courses du même type, les déficients visuels n’étaient pas au premier rang de la ligne de départ. Une organisation regrettable, qui aurait pu être dangereuse si sa faible vision ne lui avait pas permis de distinguer les rangs précédents. Dangereuses aussi étaient les zones de relais et la cohue qui y régnait : attroupements, présence des photographes, fauteuils roulant à grande vitesse… Il est à craindre que les déficients visuels n’aient pu se préserver d’une chute ou d’un accident sans l’aide précieuse des sapeurs-pompiers.
Néanmoins, pas le moindre incident n’est survenu, et tous les six ont réussi à réaliser 15 tours de circuit, soit à parcourir 10 kilomètres en une heure. Classée 23ème sur 52, l’équipe de trois binômes seulement au lieu de quatre pour les équipes concurrentes, peut se féliciter de sa prestation. Aucun ne recherchait ni la gloire ni les honneurs ; il aurait cependant été souhaitable que leur présence soit signalée, noyés qu’ils étaient à travers les maillots fluorescents floqués ADAPEI et les nombreuses personnes en fauteuils roulants.
La présidente de notre comité AVH, présente sur les lieux, regrette que la participation et la détermination de Léo et Léa n’aient pas été mieux considérées et reconnues. Nous en concluons qu’il nous appartient de poursuivre notre travail d’information et de sensibilisation au handicap visuel auprès de tous les publics.
Pour sa part, Jean-François éprouve le plaisir et la satisfaction d’avoir réuni une équipe représentative du handicap visuel, et d’avoir noué de nouvelles relations. Cependant, il garde l’espoir que cette expérience le conduise vers de nouvelles rencontres, et qu’elle soit annonciatrice d’un retour au challenge Courir ensemble avec des ambitions hautement supérieures.
Jean-François et Claudine.