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Lorenzaccio en audiodescription au théâtre d'Angoulême

06 Décembre 2015

En partenariat avec Accès Culture, le théâtre d’Angoulême a programmé, pour la saison 2015-2016, une représentation de Lorenzaccio d’Alfred de Musset en audiodescription. Or, à l’issue de la soirée du 27 novembre, nous avons constaté que la mise en scène de Catherine Marnas ne se prêtait guère à être audio-décrite. Nous reviendrons néanmoins au théâtre, qui s’est récemment doté de 30 casques audio à l’intention des déficients visuels et auditifs.

Bal masqué chez la noblesse florentine

Écrit en 1834, Lorenzaccio réunit les caractéristiques du drame romantique et est même considéré comme le chef-d’œuvre du genre. Alfred de Musset s’inspire d’un fait historique réel, puis étire l’action de la pièce dans le temps, multiplie les lieux de son déroulement et l’ouvre à toutes les classes de la société. Face à une œuvre aussi touffue et à l’instar de ses prédécesseurs, Catherine Marnas a été contrainte de remanier et d’écourter considérablement le texte de Musset.

Telle une didascalie, l’audiodescription nous prévient des nombreux changements de décors, de l’intensité de l’éclairage, de l’entrée en scène ou de la sortie des différents personnages. Il est regrettable, pour le Lorenzaccio de Catherine Marnas, que les indications apportées par la voix off ne puissent intégralement s’intercalerLorenzaccio fomentant son tyrannicide entre les dialogues, et soient couvertes par la musique rock tonitruante du début de la représentation. Les quelques bribes qui nous sont parvenues à ce moment-là laissent supposer que les précisions données décrivaient les costumes des acteurs, précisions d’importance dont nous avons été privés.

Les dialogues restant fidèles à la langue et au texte de Musset, il est aisé de retrouver le parallèle que l’auteur établit entre la Florence de 1537 et la France de 1830 au lendemain des Trois Glorieuses. Au tyran Alexandre de Médicis succèdera son cousin Côme de Médicis, au despote Charles X succèdera son cousin Louis-Philippe : le tyrannicide comme la Révolution de juillet ne changeront rien au cours de l’Histoire, les républicains de l’une et l’autre époque sauront s’en accommoder, et une collusion subsistera entre l’Église et l’État.

« Je jette la nature huPremière de Lorenzaccio en 1896 avec Sarah Bernhardtmaine à pile ou face sur la tombe d'Alexandre », lance Lorenzaccio (Vincent Dissez) au public. En déplaçant cette réplique de la troisième scène de l’acte III au tout début de la représentation, Catherine Marnas resserre la pièce autour du personnage de Lorenzaccio, de la seule et unique action de la pièce qu’est l’assassinat du duc Alexandre de Médicis par son favori, et de la totale inutilité de son geste. Catherine Marnas dit avoir voulu mettre le texte de Musset en résonance avec ce début de XXIe siècle : inefficacité de toute action politique, corruption des élites dirigeantes, velléité des contestataires, déception de la jeunesse devant l’incertitude de l’avenir.

Or, si l’œuvre de Musset peut être considérée comme le réceptacle de nos préoccupations actuelles, la relecture qu’en fait Catherine Marnas n’aboutit pas à l’effet escompté. Peu d’entre nous ont retrouvé le désenchantement de notre jeunesse chez le jeune punk Lorenzaccio, et les scènes lubriques ou orgiaques ne traduisent en aucun cas le mal être de notre société. Pour tout spectateur et à fortiori pour le spectateur déficient visuel, il aura été préférable d’avoir lu ou écouté lire le texte de l’œuvre originale. Une pièce qu’Alfred de Musset avait publiée dans Un spectacle dans un fauteuil, conçue pour ne pas être jouée.